Oméga : Les Origines / Chapitre 3
- Dylan Rocque
- 4 oct. 2023
- 10 min de lecture
Alexander arrive au début de sa rue. Au volant de sa voiture, toutes les questions qu'il pouvait se poser ne cessaient de tourner en rond dans sa tête. Pourtant, aucune réponse ne lui serait apportée, que cela soit de la part de son directeur ou encore des patrons de Delta. Il ne comprenait pas. Pourquoi lui ? Pourquoi Oriana ? Qu'une entreprise de haute technologie cherche à comprendre cette situation ne le choque pas, en soi, il y a toujours un moyen de faire du profit pour chaque situation. Ce qui le perturbait le plus, c'était qu'il y soit envoyé avec Oriana. En quoi une archéologue spécialiste des civilisations précolombiennes pouvait être utile à un phénomène naturel comme celui-là. Peut-être parce qu'il n'est pas si naturel qu'il n'y paraît. Il respire un grand coup, afin de se calmer et s'engage dans son allée. Il gare sa voiture en marche arrière devant le garage, prêt à partir au plus vite. Ils n'ont que peu de temps avant de prendre leur vol. Il quitte son véhicule et s'approche de la porte d'entrée. Arrivé à mi-chemin, il s'arrête net. Il ressent une étrange sensation, celle d'être observé. Il regarde autour de lui, rien. Il se retourne et aperçoit Michael, son voisin, caché derrière le rideau de la fenêtre de son salon, en train de le regarder. Alexander est perturbé par cette scène mais n'y fait pas trop attention. Michael était le cliché du voisin excentrique et intrusif. Peu de personnes dans le voisinage ne connaissait son nom, son histoire ou même son travail. Il était arrivé peu de temps après Alexander et Oriana, et depuis, ne cessait d'épier et de questionner tous les voisins sur leurs vies, notamment la famille Davenport. Comportement étrange, mais pas de quoi inquiéter la tranquillité des hauteurs de Pasadena. Alexander reprend son chemin et entre dans sa maison. À l'intérieur, un silence de plomb s'est installé. La matinée est passée à une telle vitesse qu'Alexander a oublié que les enfants étaient à l'école. Il cherche sa femme.
ALEXANDER
Mon cœur ? Je suis là !
Pas de réponse. Alexander penche la tête pour regarder dans le salon et dans la cuisine. Rien non plus. Pas un bruit ne se fait entendre dans la maison. Seul un torchon sur le sol de la cuisine et des préparations laissées sur le plan de travail viennent déranger ce cadre parfait d'organisation d'un foyer. Il réessaie.
ALEXANDER
Oriana ?
Toujours rien. Le visage d'Alexander commence à se fermer et l'inquiétude monte. À cet instant, un bruit sourd se fait entendre à l'étage. Alexander, inquiet, se dirige en courant vers les escaliers, monte les marches deux par deux, s'arrête sur le palier, regarde autour de lui et se dirige vers la chambre du couple. Il ouvre la porte brusquement et s'arrête net. À l'intérieur, la penderie est grande ouverte et deux valises sont ouvertes, posées sur le lit. Des vêtements jonchent le sol et le lit. Oriana apparaît de derrière la porte de la penderie, jette une pile de vêtements sur le lit et se redresse en soufflant. Elle tourne la tête vers son mari, un large sourire se dessine sur son visage.
ORIANA
Alex ! Enfin tu es là !
ALEXANDER (en colère)
Tu pourrais répondre quand on t'appelle ! Je me suis fait un sang d'encre.
Oriana s'approche d'Alexander et passe ses bras autour de sa taille.
ORIANA
Désolé mon cœur...
ALEXANDER (se calmant)
C'est pas grave.
Ils s'embrassent. Oriana retourne remplir les valises.
ORIANA
Bon est-ce que tu peux m'expliquer pourquoi je suis en train de courir depuis presque quinze minutes pour préparer nos valises ?
ALEXANDER
Il faut qu'on aille au Mexique.
ORIANA
Ça j'ai bien cru le comprendre ! Mais tu peux m'expliquer pourquoi ?
ALEXANDER
La réunion de ce matin n'était pas pour ma promotion... C'était une visio-conférence avec les patrons à New York. Il y a eu un tremblement de terre et un tsunami dans les caraïbes qui ont détruit les côtés de certains pays d'Amérique centrale.
ORIANA
Oh mon dieu...
ALEXANDER
Attends, c'est pas fini ! Le tsunami aurait dû également détruire le littoral mexicain mais un deuxième tremblement de terre, invisible sur les radars, a créé une vague inverse qui l'a protégé.
ORIANA
Deux tremblements de terre consécutifs et inverses ? Comment est-ce possible ?
ALEXANDER
C'est justement la question... Ils nous envoient sur place pour trouver la réponse.
Oriana se redresse et fixe Alexander avec un regarde d'incompréhension.
ORIANA
Nous ? Pourquoi ?
ALEXANDER
Et ça c'est la deuxième question ! J'en ai aucune idée... On verra bien une fois sur place.
Oriana essaye de fermer la première valise sans succès.
ORIANA
Tu peux m'aider s'il te plaît ?
Alexander s'approche du lit.
ORIANA
Appuie sur le dessus le temps que je ferme.
Ils réussissent à fermer la valise.
ALEXANDER
Ils se sont sûrement dit que ce serait plus simple au niveau de l'organisation de nous envoyer tous les deux. Il n’y a pas trop de soucis à se faire je pense.
ORIANA
J'espère...
Oriana regarde sa montre et le coupe.
ORIANA
Et merde ! Faut qu'on se dépêche sinon on va être en retard à l'aéroport.
Elle pose les valises par terre.
ORIANA
Amène ça dans la voiture !
ALEXANDER
Chef oui chef !
ORIANA (avec un sourire en coin et un léger rire)
On n’a pas le temps pour ça Alex !
Alexander prend les valises et les amène à la voiture, il est rejoint peu après par Oriana. Ils montent et sortent de l'allée, sous les yeux intéressés de leur voisin, en direction de l'aéroport. La traversée du centre-ville se fait rapidement, la circulation étant étrangement fluide pour l'horaire et la saison. Toutefois, le trajet se réalise également dans un grand silence. Comme ils ont l'habitude de faire quand ils sont tous les deux, Oriana est au volant. Alexander, quant à lui, a le visage tourné vers la vitre, le regard plongé dans le flot de gratte-ciel qui défile le long de la route. Une fois arrivés sur place, ils passent le contrôle de sécurité pour accéder au tarmac et se garent à proximité du hangar réservé de la Delta. Ils sortent de leur voiture, prennent leurs affaires du coffre et se dirigent vers l'intérieur du hangar. Étrangement, seul un unique agent de la Delta est présent pour les accueillir. Un homme imposant, sombre et froid, vêtu d'un costard et de lunettes noires. À leur approche, il s'avance vers eux et saisit leurs affaires.
AGENT (d'un ton très protocolaire)
Monsieur Davenport, Madame, veuillez me suivre s'il vous plaît.
Alexander et Oriana se regardent, se retenant de rire. Ils suivent l'agent et embarquent à l'intérieur du jet. Ils s'installent face à face, uniquement séparés par une petite table en bois vernis. Après plusieurs heures de vol, aucun des deux époux n'a osé prononcer le moindre mot, pas même durant le repas. Ce calme presque olympien n'est dû à rien d'autre que le stress et l'inquiétude liés à ce voyage. Sous leurs pieds, les paysages, d'abord désertiques de l'Arizona puis montagneux de la frontière nord-mexicaine, défilent. Alors qu'ils pourraient observer le Rio Grande courir à proximité, Alexander rompt le silence.
ALEXANDER
Tu as une idée ?
Oriana sort son attention du hublot et le regarde fixement. Elle n'a pas besoin de plus, elle sait très précisément de quoi son mari parle.
ORIANA
Non... J'essaie de comprendre depuis qu'on a quitté la maison. Je ne comprends toujours pas.
ALEXANDER
Tu penses que ...
Il s'arrête. Il n'ose pas poser cette question. Alexander est d'une nature très sociable. Il a tendance à facilement donner sa confiance aux gens qui l'entourent. Il se décide finalement à demander.
ALEXANDER
Tu penses qu'ils nous cachent quelque chose de plus gros ?
Il termine tout juste sa phrase lorsqu'il est interrompu par le pilote de l'avion.
PILOTE
Chers passagers, nous amorçons notre descente vers l'aéroport naval militaire de Tulum. Arrivée prévue pour 16h. Merci de bien vouloir attacher vos ceintures.
Oriana le regarde sans répondre, en ne lui fournissant comme réponse qu'un haussement d'épaules. Alexander, lui, n’y prête même pas attention. Il est étonné en entendant le nom de leur aéroport. Atterrir sur un aéroport militaire de l'armée mexicaine répondait déjà à sa question. Leur mission a dû être soutenue et validée dans de plus grandes instances que seulement le conseil d'administration de la Delta Industry. L'avion débute ainsi sa descente et atterrit sur le sol mexicain. Sur place, Alexander et Oriana sont attendus, de pied ferme, par une femme, seule, appuyée contre le capot d'une Jeep blanche. D'un point de vue extérieur, n'importe qui serait impressionné par elle. Une silhouette athlétique mais élancée, un débardeur noir et un treillis militaire accompagnés d'imposantes bottes. Des cheveux noirs mi-longs et bouclés viennent encadrés un visage doux et sévère à la fois. Cette femme est Verónica Jimenez, jeune prodige et étoile montante de la filiale mexicaine de la Delta. Son jeune âge l'avait conduit à adopter une posture des plus strictes. Il faut dire que malgré l'époque, être une femme dans le début de sa trentaine avec autant de responsabilités n'est pas la chose la plus acceptée au Mexique, même au sein de la Delta. Alexander et Oriana s'approchent d'elle.
VERONICA (d'un ton strict)
Vous devez être les Davenport.
ALEXANDER (tendant sa main)
Exact ! Alexander enchanté. Et voici mon épouse Oriana.
Les deux femmes se serrent la main.
VERONICA (passant à un ton amical)
Bienvenue au Mexique ! Vous êtes prêt pour vous mettre au travail ?
ALEXANDER
Bien sûr !
ORIANA
Bien qu'on ne sache pas trop pourquoi nous sommes ici....
VERONICA
Montez ! Je vous expliquerais tout en détail une fois sur place.
Tous les trois montent à bord de la Jeep et quittent l'aéroport.
ORIANA
Vous avez donc plus d'informations sur notre enquête ?
VERONICA (d'un ton moqueur mais amical)
Quelle impatience !
Elle se tourne vers Alexander assis à côté d'elle.
VERONICA
Vos cinq années de mariage ont dû être mouvementées.
ALEXANDER (avec humour)
Vous n'avez pas idée !
Oriana se rabat au fond de son siège, prenant son mal en patience. Aucun des deux époux ne s'est demandé comment Verónica savait cela. Après seulement quelques minutes de route, ils arrivent à destination. Verónica se gare devant un petit bâtiment avec un toit de paille. Face à eux, un mur en pierre découpé par deux arcades droites laisse apparaître une foule contenue de touristes. Ils sortent de la voiture et se dirigent vers un petit chemin en terre sur leur droite. Alexander et Oriana s'interrogent sur cette foule mais le pas pressé de leur guide ne leur permet pas de se poser plus de questions. Ils montent un très ancien escalier de pierre et découvrent un magnifique spectacle devant leurs yeux : les ruines Maya de Tulum, perchées sur une falaise, offrant ainsi une vue resplendissante sur la mer.
ORIANA (ébahie)
Wow... Tu as vu ça Alex ? C'est magnifique !
ALEXANDER (sarcastiquement)
J'aurais connu cet endroit, on se serait mariés ici !
VERONICA
Et bienvenu sur le site protégée des ruines de Tulum.
ORIANA (excitée)
J'ai toujours voulu venir ici !
ALEXANDER (se tournant vers Verónica)
Je ne dis jamais non à une petite visite touristique mais qu'est-ce qu'on fait ici ?
VERONICA
Selon les dernières données que nous avons reçues, le deuxième tsunami serait parti d'ici.
ORIANA
C'est fascinant !
ALEXANDER (toujours sarcastique)
Vous êtes en train de nous dire que ce sont ces ruines qui ont déclenché la contre-vague ?
VERONICA
Nous n'en savons rien. C'est pour cela que vous êtes là, pour enquêter...
Verónica est interrompue par la sonnerie de son téléphone.
VERONICA
Excusez-moi, c'est le Siège, je dois absolument répondre. Vous pouvez commencer votre travail ici.
Elle décroche et se met à l'écart de toutes oreilles indiscrètes. Alexander la regarde partir sans la quitter des yeux jusqu'à ce que...
ORIANA (en criant)
Tu viens Alex ?
Alexander se retourne et voit qu'Oriana est déjà partie en courant à une cinquantaine de mètre afin d'analyser les ruines de ce temple. En la voyant aussi heureuse qu'un enfant le soir de Noël, Alexander ne peut s'empêcher de sourire et de rire.
Il la rejoint aussi rapidement que possible mais Oriana était déjà au pied des escaliers del Castillo, le bâtiment principal du site. Elle s'arrête nette en bas des escaliers et fixe le haut du temple. Alexander profite de cet arrêt pour la rattraper.
ORIANA
Tu penses qu'on peut monter tout en haut ?
ALEXANDER
Je ne suis pas sûr que ce soit autorisé...
ORIANA
Ils ont fermé le site juste pour nous ! Il n'y a pas de règles !
ALEXANDER
C'est une mauvaise id...
Alexander n'a pas eu le temps de terminer sa phrase. Oriana était déjà en train de monter les marches deux par deux et s'apprête à escalader le mur côté Est afin de monter sur le toit.
ALEXANDER
Non mais qu'est-ce tu fais ?
ORIANA
Je grimpe sur le toit ça ne se voit pas ?
ALEXANDER
Redescends ! Ce n'est pas autorisé !
ORIANA (prenant la voix d'un enfant pour se moquer)
T'as peur de te faire gronder ?
À cette provocation, Oriana ajoute un regard de challenge à son mari. Elle sait très bien comment il est, et elle sait que cela va fonctionner. Sans attendre, Alexander la rejoint dans l'ascension du bâtiment. Une fois presque arrivé au sommet, Alexander voit sa femme immobile, sans aucune réaction.
ALEXANDER
Tout va bien ?
Aucune réponse.
ALEXANDER
Oriana ?
ORIANA
Montes vite !
Dans un dernier effort, Alexander réussit à monter et rejoint Oriana. Tous deux regardent fixement devant eux. Le spectacle qui se produit juste devant eux a de quoi les maintenir bouche-bée. En effet, une longue plage de sable blanc court le long de la falaise. Le soleil se reflète sur une eau turquoise. Un paysage magnifique se dévoile sous leurs yeux mais au loin ils aperçoivent d'épais nuages de fumée. Ce sont les seuls indicateurs qu'ils peuvent avoir du désastre qui s'est produit il y a peu, non loin de ce cadre paradisiaque : les ruines encore fumantes des destructions causées par la vague. Leur éblouissement se transforme rapidement en tristesse. Même s’ils avaient tous les deux vécus des moments difficiles, comme tout le monde, la vision de ce désastre, de toutes ces vies brisées, leur prouve qu’ils ont de la chance, ensemble. Ils se prennent par la main, comme un ancrage afin de se rassurer. Alexander reste bouche bée devant ce tableau. Oriana lui tapote trois fois la main avec son index pour l’apaiser et marquer sa présence. Aucun d’eux ne prononce le moindre mot. Ils sont extirpés de leurs pensées par la voix de Veronica.
VERONICA (hurlant)
Non mais qu’est-ce que vous faites ?
Alexander et Oriana se retournent, intrigués.
VERONICA (hurlant toujours)
Descendez de là tout de suite !
Sans rétorquer, tous deux descendent rapidement du bâtiment. Ils arrivent au niveau de leur accompagnatrice.
ORIANA
Désolé, on voulait juste…
Oriana n’a pas le temps de finir sa phrase, elle est coupée par Veronica.
VERONICA (d’un ton plus calme mais toujours sévère)
Vous n’êtes pas à Los Angeles ici, merci de respecter notre culture !
Ni Alexander ni Oriana n’osa répondre. Ils regardent le sol comme des enfants venant de se faire réprimander par leurs parents.
VERONICA (retrouvant son calme)
Vous avez pu avancer dans votre travail ?
ALEXANDER (essayant l’humour en souriant)
Mise à part constater qu’il y aurait une superbe vue pour un hôtel, pas grand-chose.
Veronica lui lance un regard noir. Le sourire d’Alexander s’efface aussitôt. Le silence
qui venait de s’installer est rapidement brisé par Oriana.
ORIANA
Nous n’avons pu que voir les dégâts du tsunami au loin.
VERONICA
Ce n’est pas grave. Je viens d’avoir le Siège, nous avons rendez-vous avec un chercheur de l’Institut Mexicain d’Océanographie en ville dans une heure. Il nous rejoindra à votre hôtel.
ORIANA
Dans ce cas-là, allons-y tout de suite.
Ils quittent le site pour rejoindre la voiture sur le parking et se rendre à leur prochain lieu de rendez-vous.
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