Oméga : Les origines / Chapitre 2
- Dylan Rocque
- 13 mars 2022
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 févr. 2023

Alexander entre dans la tour de la Delta Industry. À cet instant, son esprit est allégé, le stress de son arrivée anticipée à son travail est remplacé par le bonheur, de sa relation avec Oriana, de ses prochaines retrouvailles avec son meilleur ami. Autour de lui, l'atmosphère régnante est en totale opposition avec sa bonne humeur. Il traverse un hall froid, les murs et le mobilier sont d'un gris pâle, sans vie, la foule d'employés qui commence à arriver apparaît comme un être dénué de joie, de bonheur, chacun étant sur son téléphone, accroché au virtuel, déconnecté du réel. Alexander traverse cette sombre masse tel un rayon de soleil inespéré au milieu d'un épais manteau nuageux.
Il s'approche du guichet d'accueil.
ALEXANDER
Salut Karine
KARINE
Bonjour Alex, tu es bien matinal aujourd'hui
ALEXANDER
Oui, la secrétaire de Rufus m'a appelé, il voulait me voir à la première heure.
KARINE
C'est bizarre, je n'étais pas au courant.
Tiens j'ai ça pour toi.
Karine lui tend une pile de lettres et lui demande.
KARINE
C'est pour ta promotion ?
Alexander saisit les lettres.
ALEXANDER
Je ne sais pas... On verra bien !
À ces mots, il tapote les lettres sur le bureau d'accueil.
ALEXANDER
Souhaites-moi bonne chance
KARINE
Je m'inquiète pas trop pour ça.
Le téléphone d'accueil sonne. Karine décroche
KARINE
Delta Industy Californie, j'écoute.
Elle se tourne vers Alexander, coince le combiné entre son oreille et son épaule, et tend les deux poings vers lui, les pouces levés, pour lui souhaiter bonne chance. Il sourit puis s'éloigne en direction des ascenseurs. Il s'approche de l'un d'eux, presse le bouton d'appel d'une main tremblante. Le bonheur des messages et de son appel laisse de nouveau place au stress. Il attend, presque impatiemment, l'ascenseur, comme on attendrait son bourreau, avec un sentiment mélangé entre anxiété et délivrance. Les portes s'ouvrent, il monte à l'intérieur. Le temps pour que l'ascenseur le conduise jusqu'au 23ème étage lui paraît déjà interminable. Pourtant, il avait l'habitude de passer cette vingtaine de seconde dans cette boîte de métal. Depuis qu'il est employé à la Delta, il prenait toujours le même ascenseur, à la même heure, après avoir récupéré son courrier auprès de Karine. Habitude routinière qui était pour lui rassurante, comme une superstition. Mais cette fois, c'était différent : Alexander ne respectait pas son horaire. Un simple détail, petit certes, insignifiant pour certains, qui pourtant ne le rassurait pas. Il reste les yeux fixés sur l'écran au dessus des portes qui lui indique l'étage atteint.
10ème étage.
Alexander est partagé entre l'envie pressante de sortir de cet étau, qui semble se resserrer sur lui, et la peur de savoir ce qui l'attend une fois arrivé, donnant étrangement un aspect réconfortant à cet ascenseur pourtant aussi froid que le hall.
15ème étage.
Il ne lâche toujours pas l'écran des yeux, étant comme paralysé.
19ème étage.
Son stress commence à prendre entièrement le dessus, il tapote machinalement ses doigts sur le courrier.
22ème étage.
Le moment fatidique approche. Alexander est en panique, une goutte s'écoule de son front, sa vision commence à se troubler. Pour la première fois de sa vie, il se sent complètement désemparé. Il ne comprend pas pourquoi une simple réunion avec son directeur pouvait autant le stresser. Et pourtant, l'enjeu sera de taille et les conséquences irréversibles. Mais il ignore cela pour l'instant.
Un son se fait entendre, le « ding » de l'ascenseur indiquant qu'il venait d'arriver. D'un coup, en l'entendant, Alexander sort de son état presque second. Les portes s'ouvrent. La lumière aveuglante de cette matinée d'été et le brouhaha déjà présent lui donne la force de se ressaisir et de sortir de l'ascenseur. Il traverse une vaste salle où de nombreux employés s'affairent déjà à leurs tâches. Il approche de son bureau, passe devant son secrétaire et s'apprête à ouvrir la porte.
SAM
Bonjour Monsieur, je viens d'avoir...
Sam, son secrétaire, n'a même pas le temps de terminer sa phrase qu'Alexander a déjà refermé la porte sur lui. Il reste bouche bée devant cette scène. À l'intérieur, Alexander dépose ses affaires sur une table, s’assoit dans son fauteuil, pose les coudes sur son bureau et plonge son visage dans ses mains. Il semble avoir déjà perdu le courage qu'il venait de récupérer, comme un masque, pour paraître fort devant ses employés, qui venait de tomber. Il fut extirpé de ses pensées par trois faibles coups provenant de l'entrée de son bureau. Il relève la tête mais, pourtant, ne réagit pas, ne répond pas. Trois nouveaux coups se font entendre.
ALEXANDER
Entrez !
La porte s'ouvre lentement, timidement. Un visage juvénile apparaît. Sam entre dans le bureau d'un pas si lent qu'on pourrait penser qu'il souhaiterait ne pas réveiller quelqu'un.
SAM
Excusez-moi de vous déranger Monsieur
ALEXANDER
Sam ! Non, excusez-moi, c'était malpoli...
J'étais dans mes pensées.
SAM
Pas de soucis Monsieur
Sam dépose une pile de dossier sur le bureau d'Alexander.
ALEXANDER
Merci beaucoup Sam
Sam commence à faire demi-tour pour sortir du bureau. Arrivé au niveau de la porte, il se retourne.
SAM
Oh ! J'allais oublier, monsieur Dixon vous
attends dans son bureau.
ALEXANDER
J'y vais tout de suite
Sam sort et retourne à son bureau pour répondre au téléphone. Une nouvelle fois, Alexander se retrouve seul, dans un bureau étrangement silencieux par rapport au reste de l'étage. Après un court moment d'hésitation, il se lève et sort de son bureau. Il traverse la salle en sens inverse en direction des ascenseurs, monte à l'intérieur d'un et se dirige vers le 48ème étage, celui de la direction. Même si Rufus E. Dixon, directeur du laboratoire Delta en Californie, est un homme très sympathique pour sa fonction, Alexander reste tout de même toujours anxieux par ce rendez-vous. Il ne cesse de se demander pour quelles raisons son supérieur souhaite le voir aussi impatiemment et d'aussi bonne heure un mardi matin. Le « ding » de l'ascenseur l'extirpe une nouvelle fois de ses pensées. Il sort de l'ascenseur et se dirige vers le bureau d'accueil de la direction.
ALEXANDER (d'une voix hésitante)
Bonjour Fran
FRANCINE
Bonjour Alexander, comment allez-vous ?
ALEXANDER
Très bien merci et vous ?
Sa réponse sonne faux, comme pour faire semblant une nouvelle fois, pour cacher le stress qui le ronge.
FRANCINE
Très bien aussi. Rufus vous attends, vous pouvez y aller.
ALEXANDER
Merci.
Alexander contourne l'accueil et s'avance vers les grandes portes du bureau de son directeur. Arrivé devant, il s'arrête un instant. Réunissant tout son courage, il frappe.
RUFUS
Entrez !
Alexander ouvre lentement la porte et entre. Rufus est assis autour d'une table de réunion, face à un grand écran.
ALEXANDER
Bonjour Rufus
RUFUS
Alexander ! Nous vous attendions
Alexander est étonné, il n'aperçoit aucune autre personne dans le bureau. Il se tourne vers l'écran et voit deux hommes en visioconférence. Rufus s'approche et lui sert la main.
RUFUS
Nous avons déjà commencé. Installez-vous
Rufus retourne s'asseoir à sa place, Alexander s'installe à côté de lui.
RUFUS
Alexander, permettez-moi de vous présenter Reginald Eagan, président-directeur général de Delta Industry, et Jack Horton, président-directeur général adjoint.
REGINALD
Bonjour monsieur Davenport
ALEXANDER
Enchanté messieurs
Un silence s'installe.
REGINALD
Ne perdons pas plus de temps avec les politesses voulez-vous.
Jack ?
JACK
Monsieur Davenport, si nous vous avons fait venir aussi tôt, c'est parce que nous avions une question à vous poser
Alexander est inquiet. Il se demande ce qu'il a bien pu faire pour être convié à une réunion avec les dirigeants de son entreprise.
JACK
Avez-vous entendu parler des événements dans les Caraïbes ?
Alexander est perturbé. Il réfléchit mais n'a aucune idée de ce dont parle le président adjoint Horton.
ALEXANDER
Non Monsieur.
JACK
Laissez-moi donc vous mettre à la page. En début de soirée hier, il y a eu un tremblement de terre de magnitude 8 au milieu de la mer des Caraïbes. Cet événement fut suivi d'un violent tsunami ayant ravagé le littoral de plusieurs îles ainsi que celui du Belize et du Honduras.
Alors que Jack Horton racontait les événements, de multiples images, cartes et reconstitutions s'affichaient à l'écran.
ALEXANDER (doucement)
Oh mon dieu...
JACK
Toutefois... Il semblerait, selon les rumeurs locales, qu'un deuxième tremblement de terre ait eu lieu au cœur de la péninsule du Yucatán, engendrant une deuxième vague inverse à la première, préservant ainsi l'intégrité des côtes mexicaines et protégeant la ville de Tulum. Pourtant, aucuns de nos instruments de mesure n'a détecté la moindre trace d'un quelconque tremblement de terre ou deuxième tsunami.
ALEXANDER
Comment cela est-il possible ?
JACK
C'est exactement la question que nous nous posons. Nous souhaiterions que vous vous rendiez sur place avec votre épouse afin de mener les investigations. L'Institut mexicain d'océanographie est déjà sur les lieux, vous serez mis en relation avec un de ses représentants.
ALEXANDER
Excusez-moi Monsieur, mais je ne comprends pas... En quoi un ingénieur et une archéologue pourront vous aider ?
Alexander voit sur le visage de Reginald que ce dernier commence à s'impatienter, énervé par cette question.
JACK
Votre expertise sur la technologie et les instruments de mesure pourront nous permettre de comprendre les raisons pour lesquelles ces événements n'ont pas été détectés. Les connaissances de votre épouse sur les civilisations précolombiennes et les lieux vous seront également utiles.
Alexander est toujours dubitatif.
ALEXANDER
Sauf votre respect, Monsieur, je ne suis pas certain que cela soit vraiment utile...
Il est coupé par Reginald Eagan.
REGINALD (d'un ton sévère)
Cela suffit monsieur Davenport. Nous ne vous demandons pas votre avis sur les actions de notre entreprise. Ceci n'est ni une demande, ni une consultation. C'est un ordre.
Alexander est étonné par l’intonation de Reginald Eagan, presque choqué par autant de colère.
ALEXANDER
Oui Monsieur...
Un nouveau silence s'impose.
JACK
Bien... Je vous conseille de rentrer préparer vos affaires et prévenir votre femme. Votre vol est à 11h.
ALEXANDER
Je rentre immédiatement dans ce cas.
REGINALD
Excellent ! Bonne chance monsieur Davenport et surtout, ne nous décevez pas.
ALEXANDER
Bien sûr Monsieur.
REGINALD
Au revoir
Alexander n'a même pas le temps de répondre que la visioconférence est déjà terminée. Il se tourne vers Rufus, l'air complètement abasourdi. Il voit que son directeur est dans le même état d'esprit que lui, pris par l'incompréhension de ce qu'il vient de se passer devant eux.
ALEXANDER
Qu'est-ce qu'il vient de se passer Rufus ?
RUFUS
Je ne sais pas...
Alexander se lève et fait les cent pas.
ALEXANDER
Pourquoi nous envoient-ils nous pour ça ? Ça n'a aucun sens ! Et pourquoi être aussi violent ?
Rufus se lève et pose sa main sur l'épaule d'Alexander.
RUFUS
Alex, ne réfléchis pas à ça, ils ne donnent souvent les explications qu'une fois les tâches accomplies...
ALEXANDER
Super façon de fonctionner...
RUFUS
Je sais bien... Rentres chez toi et préviens Oriana. Tu verras bien ce que cela donne sur place.
Alexander ne répond pas. Il fixe longuement son directeur dans les yeux, toujours victime d'incompréhension. Toutefois, il a un sentiment étrange. Il sent que Rufus ne lui dit pas tout. Il hésite un instant, puis finit par ne rien lui demander. Il se détourne et s'apprête à sortir.
RUFUS
Alexander !
ALEXANDER (se retournant)
Oui ?
RUFUS
Bon courage...
Cette phrase conforta Alexander dans l'idée que son directeur en savait plus sur cette « mission » qu'il ne voulait l'admettre. Ou peut-être qu'il ne pouvait pas lui en dire plus. Alexander avait pleinement confiance en Rufus, depuis tout ce temps de travail ensemble, il décide de lui laisser le bénéfice du doute.
ALEXANDER
Merci Rufus
Alexander ouvre la porte et sort du bureau. Il avance rapidement en direction de l'ascenseur, sans un regard pour les employés de l'accueil. Alexander redescend à son étage, récupère quelques affaires dans son bureau et s'approche de son secrétaire.
ALEXANDER
Sam, je vous confie la gestion du service, je dois m'absenter pour quelques temps.
SAM
Vous partez en déplacement ? Ce n'était pas prévu...
ALEXANDER
C'est un ordre directement venu de New York.
SAM
Bien, je ferais en sorte que tout se passe normalement ici Monsieur !
ALEXANDER
Je n'en doute pas ! Merci Sam.
SAM
À votre service !
Alexander s'éloigne et prend l'ascenseur pour se rendre à sa voiture. Il descend, sort de l'ascenseur, traverse le hall et sort du bâtiment. Une fois sur l'esplanade extérieure, Alexander se souvient qu'il devait voir Gilles. Il décide de l'appeler.
GILLES
Vignaud, à votre service !
ALEXANDER
Gilles, c'est Alexander
GILLES
Oh Alex ! Ça faisait longtemps !
ALEXANDER
T'es vraiment toujours aussi drôle toi !
GILLES
Merci de l'avouer
ALEXANDER
Il serait temps d'apprendre à reconnaître le sarcasme... Écoutes Gilles, je ne pense pas que l'on puisse se voir.
GILLES
Tout va bien ?
Alexander s'arrête au milieu de l'esplanade.
ALEXANDER
Oui oui, je dois juste partir au Mexique quelques jours.
GILLES
On ne se refuse aucun plaisir à ce que je vois.
ALEXANDER (en soufflant)
C'est pour le travail
GILLES
De pire en pire !
ALEXANDER
Arrêtes Gilles...
GILLES
Qu'est-ce qu'il y a ?
ALEXANDER
Je ne sais pas, je trouve ça bizarre
GILLES (d'un ton ironique)
Oh bichette, tu as peur d'aller à l'étranger tout seul ?
ALEXANDER
T'es vraiment incapable d'être sérieux ! Et je n'y vais pas tout seul, le siège veut qu'Oriana vienne avec moi.
Gilles ne répond pas.
ALEXANDER
Gilles ? Tu es toujours là ?
GILLES (d'une voix inquiète)
Oui, pardon... je suis d'accord c'est bizarre.
ALEXANDER
Je verrais bien ce qu'ils attendent de nous une fois sur place
GILLES
Tu me tiendras au courant !
ALEXANDER
Bien sûr Gilles ! Tu es sur L.A. combien de temps ?
GILLES
Je repars jeudi dans la journée... Je dois être sur Paris ce week-end pour notre concert caritatif.
ALEXANDER
D'accord, je ne sais pas si on sera rentré mais je te dirais
GILLES
D'accord mon grand ! Faites attention à vous et n'hésitez pas à m'appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit.
ALEXANDER
Merci Gilles. À plus tard, bises.
Alexander raccroche. Il continue son chemin jusqu'à sa voiture. Alors qu'il s'en approche, il compose le numéro de sa femme. Il ouvre la portière et dépose ses affaires sur le siège passager au moment où elle répond.
ORIANA
Mon chéri ? Tout va bien ?
ALEXANDER
Oriana ? Prépares nos valises, on va au Mexique !
ORIANA
Pardon ?!
Alexander démarre sa voiture et rentre chez lui.
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